« Vide Greniers | Page d'accueil | Nuit blanche dans le 14e »
24/09/2005
Logements dégradés dans le 14e [3/3]
Après cette visite de nos immeubles dégradés, il convient de voir ce qui est fait pour enrayer l'habitat insalubre. N'oublions pas, que le problème des logements insalubres ne date pas d'hier, ni depuis les incendies meurtriers de cet été, ni depuis 2002 où la liste a été faite. On pourrait aller jusqu'à dire que ce chiffre est faible, puisque le problème à Paris se pose depuis des siècles, avec les premières considérations par les pensées hygiénistes du 19e siècle, suivi des modifications haussmanniennes, et pour le 20e siècle des premiers logements sociaux des années 10, suivi des crises du logement des années 30 puis 50, et de la suppression des îlots insalubres des années 70 (dont Montparnasse en est le meilleur exemple, en remplaçant ce qui était certes insalubre mais en défigurant ce quartier). Autant dire que l'arsenal législatif est étoffé depuis les incitations fortes à la réhabilitation jusqu'à la loi Vivien (1970) permettant l'expropriation des habitations insalubres.
L’expropriation comme unique solution ?
Si l'application de la loi Vivien renforcée par la loi SRU (solidarité et Renouvellement Urbain) permet l'expropriation des propriétaires d'immeubles insalubres, qu'ils soient personnes physiques ou morales, l'expropriation n’est pas l’unique solution. Pour exemple, lors du dernier conseil d'arrondissement du 14e, Pierre Castagnou soulignait le besoin de renforcer et d'augmenter les procédures d'expropriation. Conséquence des expropriations et des préemptions : sur la liste des immeubles insalubres, déjà 423 de ces immeubles appartiennent à la ville de Paris, qui se montre donc être le pire de ces propriétaires en étant incapable(a) de réhabiliter les immeubles au même rythme qu'elle les acquiert. Pour compléter, rajoutons juste que le 8, rue du Roi doré, où périrent 7 personnes alors qu'il n'y avait pas même d'extincteur, appartenait à la ville de Paris et était géré par la SIEMP(b) dont René Dutrey (notre adjoint au maire du 14e) est le président... ce qui explique la colère(c) à son égard de certaines associations pour le logement des plus démunis. Notons d 'ailleurs qu'une demande d'enquête administrative est en cours.
Lenteur des réhabilitations
Une manne d'argent issue des droits de mutation a pourtant coulé à flots dans les caisses de la Mairie depuis quelques années, et risque de disparaître (puisqu'elle est liée au volume des ventes et au prix d'acquisition des logements, qui devraient tous deux fortement baisser voir article). Ce serait cependant faire un mauvais procès que d'en déduire une absence de volonté pour éradiquer l'insalubrité en omettant le problème du relogement. Car la présence d’occupants, et des squatteurs non relogeables en particulier, est responsable de la lenteur de ces réhabilitations de l’aveu même de René Dutrey.
Clarifier les discours face aux squats
Comment ne pas exprimer sa compassion envers les personnes expulsées? Car il convient évidemment de reloger les locataires victimes de cette insalubrité, mais comment justifier la priorité d’attribution de logements sociaux données aux squatteurs face aux 102000 personnes qui attendent des années l’attribution d’un logement en suivant une procédure ordinaire? Il convient aussi, sans jeter l'anathème sur eux, de noter que les squatteurs le sont car ils sont, pour la plupart, étrangers en situation irrégulière, et donc dans l'impossibilité d'obtenir un logement. Cela renvoie au vaste débat sur l'immigration, impossible dans notre pays puisque pollué par les positions des extrêmes de droite ou de gauche. Pourtant l'ambiguïté des discours sur les squats et sur les sans-papiers, au détriment d'une fermeté et d'une clarté, est la première responsable du maintien et de la création de ces squats au risque de les transformer en pièges pour ceux qui les occupe. La décision d'expulser ces lieux présentant de réels dangers est donc la marque d'une prise de responsabilité.
Et face aux marchands de sommeil
La protection du locataire dans le droit français, et notamment de son maintien dans les lieux en cas de non-paiement du loyer, a pour effet négatif de marginaliser les catégories ne pouvant présenter l'ensemble pléthorique de garanties demandées par le secteur privé lors de la location d'un logement. Contraint de se replier vers le logement social où les demandes sont déjà en surnombre, le locataire échouera sur un marché parallèle dans l'attente de ce logement social. Marché parallèle où le loyer majore très fortement le risque d'insolvabilité, alors même que le logement aurait du mal à se placer sur le marché « normal » de la location de par son état.
L'insalubrité n'est pas la cause de ce marché mais une conséquence: l'entretien n'étant synonyme que de coûts non rentabilisés dans un marché étroit, il est non utile. Ainsi il est vain de vouloir éradiquer le marchand de sommeil en luttant contre l'insalubrité puisque ce marché s'auto-alimente en nouveaux logements. (et ce tant qu'il restera des personnes peu scrupuleuses). Des options sont possibles pour rompre ce cercle vicieux :
- créer autant de logements sociaux qu'il y a de demande ( avec quel argent ? où créer 100000 logements à Paris ? avec quel impact sur le parc immobilier restant ?)
- modifier la régulation du marché locatif en désserant la protection du locataire mauvais payeur
- éventuellement pénaliser la pratique des marchands de sommeil (avec les difficultés que cela entraîne, sans rompre le cercle vicieux, mais un certain nombre d'outils juridiques existe déjà à cet égard)
L'insalubrité n'est donc pas un fait nouveau, et ne se résoudra pas sans un volontarisme fort capable de briser la culture de la misère dont se nourissent pécunièrement certains et idéologiquement d'autres.
(a) depuis 2002 seuls 6 immeubles sur les 423 ont été réhabilités, 12 autres devraient l’être dans les mois qui viennent.
(b) SIEMP : Société Immobiliere à Economie Mixte de la Ville de Paris créé en 2002, ayant pour objectif de gérer par bail emphytéotique les logements insalubres et de les réhabiliter.
(c) Les verts étant notamment personna non grata lors des manifestations du 3 septembre organisés par des associations telles que DAL.
21:50 Publié dans Logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |