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25/11/2009

Reconversion de Broussais: un quartier malmené

La fermeture de l’hôpital Broussais laisse des possibilités foncières exceptionnelles au sein du quatorzième entre les rue Didot et Raymond Losserand. Plus de 5 hectares sont ainsi dégagés donnant l’opportunité de redonner vie à tout un quartier. L’AP HP, propriétaire de ces biens, a d’ores et déjà engagé depuis plusieurs années la vente de la plupart des bâtiments, souhaitant seulement en conserver quelques uns pour y loger son propre personnel. Les plus importants de ces bâtiments, les bâtiments Sicard et Sergent, ont notamment vu en 2005 l’installation du siège de la Croix Rouge Française. Afin d’achever la conversion du site, les surfaces comprises entre la rue Didot, l’ancien parking et la rue des Mariniers devront être réaménagées afin de construire logements et espace culturel.

 

Concertation annoncée, déceptions à l’arrivée

Au début de l’été, la Ville a annoncée le lancement d’une concertation afin d’impliquer les habitants et les associations pour la définition du réaménagement. D’ailleurs, bien avant que la Ville ne s’intéresse au site de Broussais, certaines associations avaient lancé déjà très loin la réflexion sur le devenir du site, avec notamment comme élément phare l’aspect culturel sur le site des anciennes chaudières de l’Hopital, dit la Chaufferie. Le lancement de concertation a eu lieu en grande pompe le 7 juillet avec le maire du 14e, mais montrant rapidement les inquiétudes des riverains sur le déroulement de cette concertation comme sur les objectifs de la mairie. Pour parfaire l’image d’une concertation, un questionnaire fut distribué et des ateliers thématiques associant habitants et associations furent créés.

Le questionnaire, imprimé sur papier glacé, a ainsi été distribué à 42 000 exemplaires dans les boites aux lettres et mis à disposition sur internet. Malgré cela, seules 250 réponses ont été reçues par la mairie, soit un pourcentage de retour de 0,6%. Cet échec patent de communication était cependant moins lié à l’intérêt réel des habitants qu’à la formulation des questions: ces mêmes habitants qui n’ont pas répondu, sachant que toute réponse autre que les scénarios proposés sont classés au final comme « sans opinions », ont depuis tentés de se mobiliser notamment pour s’opposer à ces choix imposés, à savoir notamment la création d’une rue circulante pour la rue des mariniers et la construction de tours dans leur quartier.

L’autre volet de cette concertation, les ateliers thématiques, a d’emblée été orienté vers 3 questions distinctes : l’aménagement public – voirie et espaces publics –, l’ilot des mariniers – les logements – et l’espace culturel – la chaufferie–. En segmentant le sujet du réaménagement de Broussais en 3 sujets indépendants , les différents acteurs , qu’ils soient riverains ou associations, ont globalement l’impression d’être écarté d’une réflexion globale sur le site. Or il est évidemment impératif de traiter ce projet dans sa globalité pour qu’il prenne un sens: des voiries ne tenant compte des logements qui ne tiennent eux mêmes pas en compte un espace culturel à proximité ne peuvent être cohérents.

 

La Chaufferie cœur d’un nouveau quartier

Au centre du projet, avec parfois même l’inconvénient d’occulter le reste de l’aménagement, se trouve l’ancienne chaufferie de l’hôpital Broussais. Accompagnée de sa haute cheminée, cette chaufferie se trouve actuellement dans un état de vétusté très avancée. Tant et si bien que la question de la simple démolition a d’abord été envisagée, afin de reconstruire un bâtiment moderne et plus fonctionnel, notamment sur le point de l’isolation phonique. A la demande d’associations locales, la mairie de Paris a revu son projet initial et a récemment entériné le fait de réhabiliter le bâtiment. Difficile de connaître le coût d’une telle réhabilitation, mais celui-ci semble peu éloigné d’une opération consistant à repartir de zéro après une démolition. La chaufferie présente néanmoins quelques intérêts, comme une hauteur sous plafond atteignant jusqu’à 11 mètres dans l’ancienne salle des chaudières et plus de 800m² développés sur plusieurs niveaux. Les schémas d’architectes présentés par la Ville font apparaître le site de la chaufferie comme ouvert sur la ville, avec notamment la démolition de l’actuel funérarium donnant sur la rue Didot. La question n’est cependant complètement tranchée. En revanche, la cheminée dont l’intérêt reste limité devrait rester : Repère urbain pour certain, simple verrue anachronique pour les autres.

Qu’un projet architectural aboutisse ne suffit pas pour faire émerger un nouveau lieu culturel. Le contenu de ce lieu reste pour l’heure mal défini et semble manquer de réelle ambition. Alors que les autres projets parisiens créés récemment, tel le « 104 » ( rue d’Aubervilliers, 19e) connaissent d’énormes difficultés tant d’un point de vie économique que d’un point de vue structurel, la ville de Paris orienterait le site de la Chaufferie vers les pratiques amateurs, où des financements par la Direction des Affaires Culturels semblent plus favorables. Amateurs mais pas trop, puisque cet espace culturel sera réservé aux « amateurs autonomes ». Le conservatoire du 14eme qui manque d’espace depuis des années pourra attendre. Au grand dam de nombreuses associations, tout autre projet ambitieux qui pourrait prétendre à une aura au-delà du quartier est également écarté.

 

Un quartier fait de tours et de barres

Comment penser l’urbanisme aujourd’hui, de façon responsable d’un point de vue social et environnemental : probablement pas avec des tours. Pourtant sur cette zone ayant une limite de construction en hauteur fixée à 31 m, la mairie a d’emblée annoncé la couleur: Les hauteurs pourront atteindre, par dérogation, 37 m, soit des immeubles jusqu’à 13 étages. Seul des scénarios d’implantation de ces tours ont été proposés aux riverains mais avec toujours les mêmes tours. D’un point de vue social, on sait l’aspect déshumanisant de ces grands ensembles, amplifié lorsqu’ils sont destinés à accueillir des populations avec plus de difficultés. D’un point de vue environnemental, ces tours se montrent tout aussi inaptes à être écologiques que peu respectueuses de la physionomie de notre arrondissement constitué globalement d’immeubles de 6 à 7 étages. Face aux bâtiments de la Croix Rouge, faits de briques et d’une hauteur très limitée, le contraste de ces constructions prend le risque de faire de cet Ilôt des Mariniers une cité repliée sur elle-même.

Les habitants, mécontents dès l’annonce de ces projets ont réagit vivement lors des ateliers de concertation. Plusieurs pétitions ont été initiées recueillant au total près de 1000 signatures. L’association Monts 14, connue dans l’arrondissement pour la défense du patrimoine architectural du 14e et la préservation de la qualité de vie, a ainsi lancé la plus importante de ces pétitions en recueillant d’ores et déjà plus de 700 signatures sur papier. Une nouvelle étape est lancée en lançant cette même pétition sur internet à l’adresse suivante : Pétition pour Broussais

 

 

des tours a broussais.jpg

 

 

L’observation des croquis 3D de la Mairie parle d’elle-même : d’un bâtiment phare, et cœur de quartier comme on aurait pu le souhaiter pour la Chaufferie, cet espace culturel se retrouve noyé dans une cité. La promiscuité avec les logements en interdiront un usage ambitieux notamment pour des raisons de nuisance sonore.

 

Un espace public a minima

Réclamé depuis des années, le tronçon surplombant la petite ceinture sera converti en promenade plantée. Sur cette dalle, la circulation ne sera ouverte qu’aux piétons et cycliste. Mais l’image idyllique s’arrête là. Au pied des tours, cette promenade restera en partie à l’ombre. Enfin elle sera traversée par la rue des mariniers qui sera ouverte à la circulation. Car au contraire de certaines rues importantes qui ont été jusqu’ici mis en impasse (Rue de la Tombe Issoire) ou interdites à la circulation, cette impasse jusqu’ici tranquille reliera la rue Didot à la rue Raymond Losserand.

 

 

Suite à cette concertation, le réaménagement de Broussais semble s’accélérer. Alors que jusqu’ici l’impression d’un dossier complexe et technique expliquait en partie la lenteur des études, le projet d’urbanisme avance désormais à grande vitesse… comme s’il fallait prendre de court les habitants qui n’ont pu apercevoir un projet dans sa globalité mais morceau par morceau.

Selon la procédure administrative, une enquête publique sera mise en place à partir dès le mois de janvier. A l’issu de cette procédure, le commissaire-enquêteur formulera un avis, favorable ou défavorable tenant compte de l’expression des habitants. C’est l’un des moyens pour eux de s’exprimer, et ceci aura d’autant plus de poids avec le succès des pétitions en cours.

 

petition