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02/03/2006

Les Ventes à la découpe dans le 14e [1/2]

 

Le 6 Mars prochain aura lieu une réunion (a) organisée par la Mairie du 14eme sur un sujet sensible que sont les ventes à la découpe. L'invitée sera Marie-Noelle Lienneman, ministre déléguée au Logement de 1992 à 1993 puis secrétaire d'Etat au Logement en 2001-2002, qui exposera la façon préconisée de lutter contre ce phénomène.

 

Ce système de vente par appartement d'ensemble immobilier est depuis quelques temps la cible de nombreuses attaques venant de la classe politique comme de la société civile. Objet d'une importante médiatisation, ce principe est fortement décrié compte tenu du nombre de personnes concernées et de leurs particularités. Notre 14eme arrondissement voit tout particulièrement ce mécanisme de ventes immobilières. Sans tomber dans un manichéisme, quels sont les effets réels des ventes à la découpe ?

 

Les ventes à la découpe, kezako?

 

Nombre de grands investisseurs telles assurances, banques ou mutuelles disposent d'un parc immobilier conséquent, et notamment sur Paris. Ceux ci n'étant pas soumis aux mêmes aléas que les personnes physiques, ont conservés longtemps dans leurs actifs ces biens immobiliers. Or la chute de l'immobilier des débuts des années 90 a démontrée la fragilité de ces actifs, les poussant à réduire leur exposition au marché immobilier. Est donc apparue dès les années 90 une vente massive de ces logements.

 

Le principe appliqué à la vente est bien sûr dès le début en respect avec les obligations légales, autorisant tout propriétaire à ne pas renouveler un bail pour effectuer une vente, et donnant un droit de préemption à son locataire. Mais la hausse de l'immobilier a modifié la donne et transformé ce qui pouvait paraître pour le locataire souvent comme une aubaine parfois en véritable calvaire. Les prix actuels sont effectivement devenus prohibitifs pour la plupart des locataires. Toutefois cela n'a pas toujours été le cas. On peut citer par exemple(b) un programme de vente à la découpe en 1998 rue du commandant Mouchotte où 35 à 45% des locataires ont exercés leur droit de préemption pour acquérir leur logement à 2300 €/m², ce qui en laisserait plus d'un songeur aujourd'hui. Plus proche mais toujours bien visible, le panneau publicitaire de la GEMCO Avenue du Gal Leclerc annonçant des appartements à 4400€/m². Aujourd'hui, avec une hausse de l'immobilier portant le prix moyen du m² à plus de 5500 €, ce même phénomène de ventes à la découpe catalyse désormais toutes les attaques contre ce qui est appelé spéculation immobilière.

 

Une législation déjà étoffée

Pourtant, la législation n'a cessé de s'alourdir afin de protéger les locataires contre ce type de vente: Désormais tout locataire invalide de façon importante ou qui aura 75 ans révolus d'ici la fin du bail peut rester occupant. De plus, est protégé tout locataire aux revenus inférieurs à 100 % du plafond du PLI (prêt locatif intermédiaire), donc qui gagne moins de 5 300 € par mois pour un couple sans enfant et 6 300 € pour un couple avec deux enfants(c). Effet pervers inéluctable, mieux vaudrait pour un propriétaire institutionnel ne jamais louer aux personnes aux revenus modestes, ou à des personnes âgées et handicapés au risque de ne pas pouvoir disposer de ses actifs...un comble.

 

Face à cette législation, des groupes spécialisés ont investi cette activité de réhabilitation, de commercialisation et de traitement très juridique de chacun des dossiers. Cette activité étant souvent bien éloignée du périmètre d'activité des propriétaires des ensembles immobiliers, cette vente leur est souvent déléguée. Certes, parfois leur agissement sont bien à la limite du droit mais leur plus grand tort serait d'avoir une rentabilité très importante, d'être bien souvent d'origine américaine mais surtout d’oser s'attaquer à des locataires ayant des revenus de plus de 5300 €/mois… Même en éprouvant toute sympathie avec Jeanne Moreau ou Lionel Jospin, on peut se douter que l'écho médiatique serait bien moindre si les locataires " découpés " était issus de classes plus défavorisés, et notamment avec moins d'éléments évoluant dans les sphères médiatiques.

 

Enfin, et c'est bien ce qui a fait réagir légitimement beaucoup de locataires, les logements avaient tendance à être vendu en premier lieu (avant réhabilitation, marketing, commercialisation) à ces intermédiaires pour des prix souvent inférieur au prix du marché. Ces locataires, parfois non informés du changement de propriétaire, ne le découvrait que lors de la vente par morceau effectuée par ce même intermédiaire. Bien sûr cette vente où la préemption du locataire était applicable se faisait une fois la marge prélevée, à des prix bien supérieurs aux prix initiaux. Une proposition de loi a été adoptée le 16/06/2005 afin de rendre ce mécanisme impossible puisque si l'acquéreur ne s'engage pas à maintenir le statut locatif pendant six ans, le locataire doit être informé des conditions de vente de son logement par le vendeur et acheter directement auprès de lui - en principe avant que l'acquéreur impose une plus-value supplémentaire -. Il est à noter que, à ce projet de loi qui semble répondre au problème posé par les ventes à la découpe, le groupe Vert dont fait partie notre député Yves Cochet --11e circonscription (Plaisance / Petit-Montrouge)-- a voté contre.(d ) Principale demande des opposants à ce texte, que la décision revienne entièrement aux collectivités locales en émettant un permis de diviser comme il existe un permis de construire.

 

(a) Salle des mariages, 19 h, 6 mars 2006

(b) Groupe Ad Valorem

(c) Agence Départemental d’information sur le logement de Paris

(d) La tribune

07:00 Publié dans Logement | Lien permanent | Commentaires (6) |  Facebook |

Commentaires

Le Collectif national des locataires découpés vous demande :

1°) de signaler son site internet http://www.locatairesdecoupes.net sur lequel sont disponibles une revue de presse, des fiches juridiques, les propositions de modifications législatives et réglementaires, la liste des associations existantes contre les ventes à la découpe etc... ;

2°) de prendre connaissance de ses communiqués pour comprendre ses réserves sur la proposition de loi en cours de discussion.

Merci

Écrit par : Christian Oudin | 02/03/2006

Si j'ai bien compris l'article de Pascal, les ventes à la découpe constituent un faux problème. La loi Aurillac protège les locataires et tout va bien pour le meilleur des mondes. L'écho médiatique autour des ventes à la découpe ne serait que la conséquence du caprice de certaines célébrités influentes ???

La réunion de lundi soir sera à mon avis très instructive pour l'auteur de cet article. Il pourra se rendre compte à quel point ce phénomène prend une tournure inquiétante.

La proposition de loi Aurillac a été jugée "extraordinairement insuffisante" par la cinquantaine d'associations de locataires "découpés". Le problème de ce texte est qu'il ne remet nullement en cause lefondement même de ces ventes, qui ne sont que des opérations spéculatives. Il est louable que la députée du 7ème s'emploie à garantir aux locataires "un prix d'acquisition convenable". Seulement, moins d'un tiers des hahitants achètent.

Le problème reste entier pour les locataires et nul besoin de préciser que les loyers vont continuer à s'envoler.

Quelques infos sur la réunion du 6 mars : http://vincent-jarousseau.blogspot.com/2006/02/runion-publique-le-6-mars-sur-les.html

Écrit par : Vincent Jarousseau | 02/03/2006

La loi Aurillac ne protège pas le locataire. Je n'ai pas pas dis cela. Elle répond juste à ceux voulant se porter acquéreur de leur logement afin qu'ils puissent exercer leur droit de préemption normalement. Hormis les conditions de ressources et critères spécifiques cités dans l'article, le locataire n'est pas plus protégé que tout autre locataire ayant un petit bailleur arrivant à l'échéance de son bail.
Mais, quel est le but de ces associations de découpés? Obtenir un statut d'intouchables avec l'avantage de loyers modérés, à l'instar des personnes du parc social?
Bien, mais il m'arrive parfois de penser que Mr lambda_moyen qui n'est ni locataire d'un bailleur social ni d'un investisseur institutionnel doit se sentir le dindon de la farce lorsqu'il cherche à se loger.

Écrit par : pascal | 02/03/2006

Vos commentaires posent plusieurs questions :

1°) Si les lois et les conventions sur les rapports entre bailleurs et locataires ont établi des différences de statuts selon qu'il s'agit de bailleurs particuliers ou de bailleurs collectifs (durée des baux, conditions de reprise, droit de préemption, accords collectifs etc...), c'est sans doute pour des raisons qu'il conviendrait de rappeler. Faut-il supprimer ces différences ? Si oui, il faut le dire clairement. Si non, il faut en tirer toutes les conséquences.

2°) Par ailleurs vous semblez vous arranger assez bien de la spéculation, alors que c'est bien là le coeur du problème comme tout le monde l'a reconnu, y compris le gouvernement : détournement du droit de préemption lors de la première vente en bloc et confiscation des plus-values au profit d'heureux intermédiaires. Approuvez-vous les montages financiers acrobatiques pour échapper à l'impôt, le lobbying des opérateurs pour bénéficier de dispositifs fiscaux dérogatoires ?

3°) S'agissant du sort des locataires qui ne peuvent pas acheter, il ne s'agit pas d'en faire "des intouchables", mais simplement de respecter leur droit à une existence paisible. N'oublions pas que si le droit de propriété est un droit constitutionnel, le droit au logement l'est tout autant, comme le rappelle fort justement Jeanne Moreau dans une interview récente (lien : http://www.leblogfinance.com/2006/03/bonjour_jeannne.html).

Le droit de propriété n'est quand même pas le droit de spéculer et il ne faudrait pas assimiler le parc locatif des grands institutionnels - souvent constitué avec l'aide de la collectivité nationale - au patrimoine d'un particulier. Quant à faire passer les locataires découpés pour des privilégiés il faudrait être ou mal informé ou de mauvaise foi pour s'engager sur ce terrain.

Pour information : quelques références statistiques tirées de l'enquête de l'ADIL de Paris (mai 2005)

"Ressources mensuelles des occupants :

- 34 % des locataires ont des revenus inférieurs à 1 500 €. Parmi ces personnes, 22 % sont seules ;

- 32 % des locataires ont des revenus situés entre 1 500 et 3 000 €. Cette catégorie est majoritairement représentée par des couples sans enfant ;

- 20 % des locataires ont des revenus situés entre 3 000 et 4 000 € ;

- 14 % des locataires ont des revenus supérieurs à 4 000 €.

Age des locataires et composition familiale :

- 30 % des locataires ont plus de 70 ans ;

- 71 % des personnes concernées sont des célibataires ou des couples sans enfant.

L'âge et la composition familiale sont en adéquation avec la durée d'occupation supérieure à 10 ans dans la plupart des cas.

situation géographique : une généralisation

- Tous les arrondissements parisiens sont touchés par le phénomène ainsi que des communes de la Petite Couronne. Il est à noter cependant que d'après nos questionnaires, les arrondissements les plus concernés sont les 3ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème, 13ème, 14ème 16ème, et 17ème arrondissements où les institutionnels sont détenteurs d'un patrimoine important d'immeubles haussmanniens de grand standing ;

- Notons également un développement important ces derniers mois de ventes dans le 15ème arrondissement d'immeubles des années 1970 ;

- Sont également touchés dans des proportions moindres les 1er, 4ème, 5ème, 12ème et 19ème arrondissements.

Surface et le nombre de pièces :

La surface moyenne des appartements vendus est de 69 m² :

- 30 % ont une surface comprise entre 0 et 40 m² ;

- 25 % ont une surface comprise entre 40 et 60 m² ;

- 10 % ont une surface comprise entre 60 et 80 m² ;

- 17 % ont une surface comprise entre 80 et 100 m² ;

- 18 % au-delà.

La date de construction :

- 63 % des appartements vendus ont été construits avant 1948 ;

- 37 % des appartements vendus ont été construits après 1948 dont un bon nombre d'immeubles ont été réalisés dans les années 1970-1980 pour répondre à la politique d'investissement des institutionnels.

Projet des locataires :

- 44 % des locataires souhaitent acheter leur logement ;

- 33 % ne peuvent pas acheter pour des raisons financières (en raison de leur situation personnelle et des conditions actuelles du marché, l'âge des locataires contribue pour beaucoup aux difficultés d'obtenir des prêts) ;

- 23 % souhaitent rester dans les lieux en tant que locataires.

Statut des bailleurs :

Les ventes proposées par les bailleurs personnes morales sont le fait de

- 50 % d'institutionnels ;

- 38 % de marchands de biens ;

- 12 % de SEM et autres.

Respect par les bailleurs de la procédure :

88 % des bailleurs respectent la procédure d'information, mais plus de 67 % de locataires estiment que cette phase d'information n'est pas présentée clairement.

Aux dires de nos consultants, la réunion d'information rendue obligatoire par l'accord collectif de 1998 relève plus d'une démarche commerciale pour les inciter à acheter leur logement.

Le déroulement de l'opération semble conforme aux règles de protection édictées par les textes actuels.

Rares sont les bailleurs qui proposent une solution de relogement : seuls 3 % des locataires se sont vus notifier une offre de relogement. Ce constat nous laisse perplexe car il est clair que les locataires ne sont pas pour autant maintenus dans les lieux."

Voir également l'étude de la Chambre des notaires d'avril 2005, notamment pour les volumes (61.000 appartements à Paris en 10 ans) et les prix.
Lien : http://www.paris.notaires.fr/hpr.php?cID=309

Écrit par : Collectif des locataires découpés | 03/03/2006

A lire les commentaires de Pascal, j'ai envie de savoir son âge, où et comment il vit, quelles sont ses ressources.
La situation des locataires d'appartements vendus à la découpe est comparable à celle des jeunes auxquels on ne propose que les emplois kleenex du CPE: on peut être virer avec pertes et fracas quand votre propriétaire, pas le M. Lambda qui a réunssi à acheter un appartement et le loue pour compléter ses revenus, mais une société d'assurance, une banque, des "fonds de pension" vous vire pour revendre en faisant la culbute.
Heureusement que Jeanne Moreau et Lionel Jospin ont fait parler du problème, comme les fonctionnaires de la SNCF, pourtant bien payés et , même avec des lycéens chevelus, pour lui donner plus de retentissement.
S'il est vrai que le droit de propriété est fondamental, celui de spéculer au détriment des plus fragiles (les jeunes qui débutent, les ainés et les malades pour lesquels un déménagement est une douloureuse perturbation dont certains ne se remttent jamais, les petits revenus) devrait être revu et peut-être encadré. Je trouve très bien que les locataires occupants puissent acheter avant la vente en bloc à un investisseur et au même prix. Et les prêts à taux %, les remboursements échelonnés sur 25 ou 30 ans devraient permettre à un plus grand nombre d'avoir la certitude d'avoir un toit pour leur famille.
sophie

Écrit par : sophie lemoine | 06/04/2006

Sophie,

Pour répondre à vos questions, j'ai 33 ans. Cela peut paraître jeune pour certains, et plus très jeune pour d'autres.

Pour mes revenus ils sont trop faibles à mon goût et mon logement, trop petit. J'imagine que tout le monde est dans le même cas ;-)

Oui, vous avez raison de comparer la situation du logement à la situation de l'emploi. Lorsque j'écris cela, je pense tout particulièrement aux difficultés de toute une génération, les jeunes qui arrivent et voient un système sclérosé dont les avantages reviennent majoritairement à une autre génération, celle de 68.

Comment accepter un système où un couple de jeunes s'endettent sur 25 ans pour acheter un 2 pièces en petite couronne, alors même qu'une nomenklatura exige de la collectivité le rachat de leur 180m² dans le 8eme afin d'être placé sous la protection d'un bailleur social. Lorsque l'on connaît la part du budget d'un ménage consacré au logement comment accepter de telles différences de traitements. Bien évidemment, j'ai bien conscience que mon discours puisse sembler déplacé au regard des difficultés réelles que rencontrent nombre de personnes lors d'une vente à la découpe. Mais combien sont victimes des dérégulations de ce marché, dont l'intervention publique en est une (ce n'est pas la seule, je ne dis pas cela).

Le marché me semble plus apte à se réguler lui même que les appétits débordants de ceux qui voient dans leur intérêt personnel un enjeu de société.

Écrit par : Pascal | 07/04/2006